Plus encore que dans le reste de la Grèce, la famille est en Crète le pivot de la société. Bien plus que de l'état, c'est d'elle qu'on attend les solidarités élémentaires qui assurent sécurités aux anciens et protection aux plus jeunes.

Refuge et protection

Si le père est le chef respecté de la famille, la mère en est l'âme. " Voulez-vous avoir la preuve par trois que le Christ était Crétois, interrogent en riant certains jeunes. Un : il croyait que son père était Dieu; deux : il était persuadé que sa mère était vierge; trois : il a vécu chez ses parents sans rien faire jusqu'à 30 ans " !

Dans la société Crétoise, encore très profondément marquée par les valeurs paysannes et villageoises, la famille est d'abord conçue comme un refuge pour tous ses membres. L'entraide familiale est très forte et il se trouve toujours un oncle ou un cousin pour donner du travail à celui qui peine à en trouver. Voilà qui explique en gradepartie le très faible taux de chômage en Crète. De même,la faute , si grave soit-elle, qui aurat conduit le membre d'une famille en prison ne l'empêchera jamais de revenir chez ses parents.

Mais c'est surtout à l'égard des grands-parents que la famille Crètoise se distingue du reste de l'Europe. Quel que soit le milieu social, il serait impensable de ne pas s'occuper de yaya ou pappous - mémé ou pépé. Honte et réprobation unanismes s'abattrait sur quiconque oserait abandonner ses parents. Force est de reconnaître que le grand-père et surtout la grand-mère apportent une aide précieuse à toute la famille en cuisinant ou en s'occupant des petits-enfants. De fait, l'organisation familiale se substitue aux carences de l'Etat, et notamment à la quasi-absence de crêches. Il n'en demeure pas moins vrai qu'un nombre croissant de Crétois envient le système social qui prévaut dans le reste de l'Europe.

Femmes : une vision traditionnelle

Il suffit d'observer la répartition des membres d'une famille attablée au restaurant pour comprendre la place des femmes dans la société Crétoise. A un bout de la table, les hommes, du grands-père au petit-fils, papotent en sirotant raki ou jus de fruit ; a l'autre bout, les femmes de tous âges discutent entre elles et s'occupent des enfants. La condition de la femme Crétoise est rès proche de celle du Moyen-Orient. Même si les temps changent, pour l'immense majorité des hommes - et des femmes - , la place naturelle de la femme est à la maison.

Pendant longtemps, les mâles de la famille ont eu droit de vie et de mort sur leur fille ou leur soeur. Le " crime d'honneur ", par lequel un frère pouvait tuer sa soeur lorqu'elle avait " fauté ", n'attirait au meurtrier qu'une légère peine. Certes, les choses ont changé, du fait notamment de la présence de femmes au sein de la magistrature et de la police. Mais l'évolution est lente. Depuis 1952, date à laquelle les Grecques ont obtenu le droit de vote, leur nombre au parlement n'a jamais dépassé 15% des élus. Et si quelques femmes en vue, comme Mélina MERCOURI, ont occupé des postes à responsabilités, la place des femmes dans la vie politique grecque reste très minoritaire, et l'inégalité des chances et des salaires y est plus flagrante qu'ailleurs en Europe.

Cette situation est d'autant plus étonnante que la Grèce s'est dotée d'une législation largement en avance sur ses moeurs. Mariage civil, dépénalisation et remboursement de l'avortement dès 1980, abrogation de la dot qui assujettissait financièrement la femme au mari, alignement du statut des enfants nés hors mariage sur celui des enfants légitimes, possibilité pour la femme de conserver son patronyme : toutes ces avancées, bien réelles, n'ont pas changé grand-chose aux traditions  qui veulent qu'une femme soit d'abord jugée sur sa "réputation " de bonne mère et de bonne épouse. S'il est courant de voir des bandes de jeunes filles sortir ensemble le soir, chose impensable il y a 20 ans, moins de 3% des femmes sont célibataires. De même, moins de 15% des couples divorcent, ce qui est peut-être un signe de stabilité sociale, mais révèle aussi une morale pesante qui voue la femme au mariage et à la famille.

Une jeunesse insouciante

La démographie de la Crète est la plus active de Grèce, mais la moyenne d'âge y reste élevée. Et si Héraklion respire la jeunesse, il n'en va pas de même pour nombre de petites villes ou villages de l'intérieur. Le niveau de l'enseignement public est très faible, si bien que les études supérieures restent un lointain espoir pour tous ceux dont la famille n'a pas les moyens de payer la frontistiria ( une boîte à bac privée ), passage obligé pour intégrer l'université. Il en résulte une certaine indolence, teintée de fatalité chez beaucoup de jeunes Crétois, qui envisagent davantage leur avenir dans un business familial que grâce à l'acquisition d'un diplôme.